Eric Vuillard raconte la fameuse journée du 14 juillet 1789, en se plaçant du côté des humbles, des inconnus, des hommes qui étaient présents, au milieu de l’action, des cris, des armes et du feu, au travers de ceux qui ont fait la journée du 14 juillet 1789, qui ont fait la Révolution française.
« La folie Titon », c’est le lieu du début du soulèvement qui amènera à la révolution française, c’est le lieu du début du livre d’Eric Vuillard, ce 28 avril 1789. Cette manufacture de papiers peints de Monsieur Réveillon (n’est-ce pas un nom prémonitoire pour le lieu qui va « réveiller » le peuple français ?), qui sera saccagé, signe précurseur d’un mécontentement populaire qui gronde.
Puis, en quelques pages, car le livre en contient très peu, nous sommes le 14 juillet 1789, nous sommes dans les rues de Paris, dans la foule des inconnus, la masse des incompris, dans ce flot populaire qui se laisse mener par une vague que plus personne ne dirige et ne contrôle, nous sommes le jour de la prise de la Bastille.
Mais Eric Vuillard ne raconte pas le 14 juillet de manière « classique », avec un regard en hauteur, autour des grands de l’Histoire, ni en décrivant uniquement les incendies, les bousculades, les combats, le sang et les assassinats. Il choisit l’originalité en entrant en plein dans la bataille, aux côtés des hommes et des femmes (surtout des hommes) qui ont vécu cette journée, sur la base de témoignages et de récits, d’une documentation historique réelle, en leur rendant un bel hommage.
Il faut saluer les recherches qui ont été effectuées par Eric Vuillard, avec le souci d’être le plus exact et le plus précis possible. C’est une vision nouvelle et inattendue, portée par l’écriture enflammée, romanesque et poétique d’Eric Vuillard (écriture splendide découverte avec Tristesse de la terre) du côté du peuple, des concernés. Cette reconstitution méritait d’être effectuée, et l’initiative est vraiment très intéressante.
Ceci étant, malgré les qualités du livre, j’oserai quelques réserves. J’ai eu le sentiment que certains passages étaient trop fouillés, trop près du corpus documentaire, comme s’il fallait absolument utiliser toutes les informations. Certains procédés de description m’ont paru trop systématiques, entraînant une impression de répétition. Il s’agit d’un vrai travail de reconstitution historique, avec parfois des listes, des informations extrêmement détaillées, avec l’identité précise des intervenants, leurs noms, prénoms, métiers, habits, etc. C’est l’objectif poursuivi certes, mais cet excès de petits détails dérange et au lieu de vivre à plein ce voyage dans le temps, j’ai ressenti à certains moments l’ennui poindre …
Cela n’enlève rien à l’originalité de la démarche, à l’intérêt historique du livre, ni à la beauté du style d’Eric Vuillard.
Les avis enthousiastes de Sandrine et Virginie.
Prix littéraires :
Prix Interallié 2016 : 1ère sélection
Prix Fémina 2016 : 2ème sélection
Grand Prix de l’académie française : 1ère sélection
Prix du Roman des étudiants France culture/télérama : 1ère sélection
Prix du Roman FNAC 2016 : 1ère sélection
Sélection pour le Prix Inter 2017
les premières lignes de 14 juillet :
(Lire un extrait plus long)
Une folie est une maison de plaisance, extravagance d’architecte, outrance princière. Son allure légère, délicate, le libertinage des lumières à travers les innombrables fenêtres annoncent le règne bourgeois de la maison secondaire.
La présentation de 14 juillet par les éditions Actes Sud :
La prise de la Bastille est l’un des évènements les plus célèbres de tous les temps. On nous récite son histoire telle qu’elle fut écrite par les notables, depuis l’Hôtel de ville, du point de vue de ceux qui n’y étaient pas. 14 Juillet raconte l’histoire de ceux qui y étaient. Un livre ardent et épiphanique, où notre fête nationale retrouve sa grandeur tumultueuse.
Eric VUILLARD
14 juillet
Actes Sud, Août 2016, 206 pages.
11ème lecture du Challenge 1% Rentrée Littéraire 2016
L’esprit des « Annales » donc une manière moins solennelle et moins « officielle » de raconter l’histoire. Style de haute volée, qui chang la donne car tout le monde n’est pas Michelet ! Walter
Merci Walter. En effet, on est très loin de se que l’on a l’habitude de lire.
« Il faut écrire ce qu’on ignore » écrit Eric Vuillard page 83. L’écrivain décide donc d’écrire ce qu’on ignore à propos du jour le plus fameux de l’Histoire de France. Et il y parvient avec brio. Au terme de 208 pages, c’est tout le 14 juillet 1789 qui apparaît sous nos yeux dans tout son foisonnement.
Cette vitalité et énergie rappelle le jugement de Maupassant à la parution de Madame Bovary : « c’était la vie elle-même apparue ». Révolutionnaires, nobles, bourgeois, Gavroches, femmes libertaires, Sans-culottes… »tout devient vrai » (p.52) au fil des pages notamment grâce à un art du récit rythmé et enlevé qui a le don de nous raconter avec entrain un évènement dont nous connaissons pourtant l’issue.
Et si « nous sommes de la paille », alors nous brûlons pour ce roman qui célèbre le peuple français en cette période douloureuse qui tente de l’annihiler. Pour les enfants de la patrie comme pour Eric Vuillard, le jour de gloire est arrivé.
Très beau commentaire Romain, merci beaucoup !
C’est un titre de la rentrée littéraire que j’ai repéré car j’aime toujours les romans historiques et la révolution française fait partie des thématiques qui m’intéressent.
Alors n’hésite pas, ce livre contient exactement tout ce que tu aimes.
Merveille des merveilles ! Je viens de le terminer j’en ai le souffle coupé!!!!
Bon, bon, bon, les longueurs et les réserves, ce n’est donc pas pour toi 😉
Je garde un si bon souvenir de Tristesse de la terre que j’ai tout de même envie de le découvrir.
Oui, vas-y bien sûr, d’autant que si d’autres lecteurs ont ressenti cette sensation d’ennui, ce n’est pas la majorité me semble-t-il.
Je comprends d’autant mieux tes réserves que je suis en train de le lire et que j’en ai aussi .
Je vois qu’on se retrouve sur ce livre alors. J’ai hâte de lire ton billet.
Oh je voulais te le proposer en lecture commune :)))))
J’allais t’envoyer un texto ! tu m’as grillée ! bisoussss
Curieuse de ton avis à venir alors ! Ce n’est pas grave, on en fixera pleins d’autres 😉
Et bien malgré tes réserves, j’ai quand même envie de le lire ! Il est sur ma LAL !
Eh bien, tu as bien raison ! Cela reste une reconstitution historique intéressante, basée sur de la documentation réelle, avec une vision de la révolution française nouvelle (pour moi en tout cas), ce qui en fait un livre qui mérite vraiment qu’on s’y arrête.
Malgré ton avis en demi-teinte, il m’intéresse toujours !
Tu as raison d’être intéressée, c’est un livre intéressant !
C’est bizarre qu’avec toutes ces qualités, ce soit un livre ennuyeux ! Mais c’est vrai que c’est difficile parfois pour un écrivain de trouver le juste milieu entre le documentaire et le roman.
Ses qualités sont justement là pour rattraper les passages rébarbatifs 😉
Entièrement d’accord sur l’intérêt du livre, sur la démarche, et le style qui correspond parfaitement au fond. Mais je me suis ennuyée, et encore plus que toi car j’ai mis longtemps à le terminer (malgré sa taille), l’entrecoupant d’autres lectures car je n’y prenais aucun plaisir… une rencontre ratée pour moi !
Je ne peux que te comprendre … Mon ennui n’a pas été permanent, mais c’est vrai qu’il a bien été présent quand même.
C’est un livre que j’ai beaucoup aimé mais effectivement, j’ai eu quelques baisses de concentration à cause d’énumérations et de détails que j’ai trouvés un peu barbants
Je vois que l’on partage la même impression, ça me rassure 🙂
Cette lecture ne me tente pas.
Une autre te tentera mieux bientôt 🙂
J’aurais sans doute partagé tes réserves si le livre avait été plus long. Mais il est très bref et produit, je trouve, une sorte de fulgurance qui m’a permis de beaucoup l’apprécier.
C’est vrai qu’il est très bref, et la longueur choisie lui convient tout à fait.
Grand grand plaisir hier d’échanger avec lui aux Rendez-Vous de l’Histoire. Il a lu le passage des noms, cette incroyable (et osée littérairement parlant) liste de quelques-uns de ceux qui ont participé à cette journée : elle prend encore plus de sens dans sa bouche, elle fait monde,foule, présence incarnée. Ah, que j’ai aimé ce livre !
J’aurais du entendre la lecture de cette liste, je suis certaine que cela m’aurait donné une autre vision de ce texte ! Je n’ai pas ressenti à la lecture cette impression de foule, de présence incarnée, mais seulement de liste un peu répétitive …
Je comprends, mais cette liste est tirée d’une liste existante, j’ai pris ça comme un hommage à tous ces humbles pour une fois connus par des archives, et puis si on regarde les détails, que de métiers disparus, de noms encore dans l’annuaire de nos jours, et puis vuillard de temps en temps intervient par une remarque.
Tu as raison, c’est en effet un hommage et je trouve la démarche louable et intéressante. La difficulté avec un corpus existant, est pour moi toujours la même : ne pas être dans la « copie » de l’archive, d’en rendre la substance en restant intéressant. Cela m’a paru un peu à côté, mais j’ai aimé aussi voir les métiers disparus. Que de paradoxes 😉
Je n’ai jamais lu cet auteur. J’ai noté ce titre pour le découvrir. Ce que tu en dis me refroidit un peu toutefois.
C’est très bien écrit, mais je me suis lassée de certains passages, vraiment malgré moi.