Prix Goncourt 1978, Rue des Boutiques Obscures est un chef d’oeuvre de déambulations dans les souvenirs, les rues de Paris, le passé des uns, les secrets des autres, et toujours, la recherche de soi.
Guy Roland travaille dans une agence de détectives. Lors du départ à la retraite de Hutte, son patron, il décide de mener une nouvelle enquête toute personnelle : partir à la recherche de sa propre identité. Guy est amnésique et ne sait plus quelle a été sa vie, ni comment il s’appelle réellement derrière son nom d’emprunt.
Qui est-il ? Freddie ou Pedro ? américain ou grec ? Aimait-il Gay Orlow ou Denise Coudreuse ? A travers des pistes qui vont mener d’une personne à une autre, d’une boîte de souvenirs à des photos du passé, d’une rue à un café, d’un inconnu à un autre, Patrick Modiano trace à travers Guy Roland le chemin du passé dans un somptueux brouillard parisien (et ailleurs), qui va se lever tout doucement.
Ce livre est absolument MAGISTRAL. J’ai adoré la façon dont Patrick Modiano crée un suspens toujours sur le fil, toujours dans le flou, comme une balançoire perpétuelle entre la réalité et l’incertain. On se trouve quasiment à la place et dans la tête de Guy, on se pose les mêmes questions, et on attend patiemment que les informations arrivent, toujours surprenantes, prenant des chemins inattendus.
Même s’il s’agit d’une enquête à la façon de Dora Bruder, avec Rue des Boutiques Obscures, il réussit à lever le voile sur l’identité recherchée de manière plus intime, moins directe et beaucoup plus nuageuse. Cette subtilité est un pur bonheur.
J’ai adoré voyager dans les souvenirs et le passé des uns et des autres, dans cette incertitude qui se lève grâce à des rencontres humaines, des personnes qui semblent croiser le chemin de Guy comme des êtres de hasard divins, destinés à lui montrer la voie et l’aider à se découvrir.
Cette absence de clarté et cette ambiance poussiéreuse du passé d’après-guerre – sans que la date exacte soit vraiment connue pendant longtemps – à la manière de Pour que tu ne te perdes pas dans le passé est un enchantement, avec le suspens et la profondeur peut-être en plus.
Jusqu’à ce jour, mon Modiano préféré.
Hommage / lecture commune Modiano avec Sandrine, pour l’anniversaire de Patrick Modiano, née le 30 juillet 1945.
Prix Goncourt 1978
Prix Nobel 2014
Les premières lignes :
Je ne suis rien,. Rien qu’une silhouette claire, ce soir-là, à la terrasse d’un café. J’attendais que la pluie s’arrêtât, une averse qui avait commencé de tomber au moment où Hutte me quittait.
La 4e de couverture des éditions Folio :
(ou lien direct site Folio)
Qui pousse un certain Guy Roland, employé d’une agence de police privée que dirige un baron balte, à partir à la recherche d’un inconnu, disparu depuis longtemps ? Le besoin de se retrouver lui-même après des années d’amnésie ?
Au cours de sa recherche, il recueille des bribes de la vie de cet homme qui était peut-être lui et à qui, de toute façon, il finit par s’identifier. Comme dans un dernier tour de manège, passent les témoins de la jeunesse de ce Pedro Mc Evoy, les seuls qui pourraient le reconnaître : Hélène Coudreuse, Fredy Howard de Luz, Gay Orlow, Dédé Wildmer, Scouffi, Rubirosa, Sonachitzé, d’autres encore, aux noms et aux passeports compliqués, qui font que ce livre pourrait être l’intrusion des âmes errantes dans le roman policier.
Patrick MODIANO
Rue des Boutiques Obscures
Gallimard, septembre 1978,
Folio, mars 1982, 256 pages
J’ai été déçue par ma dernière lecture de Modiano « chien de printemps ». Il faudra que je tente celui-ci, vu ton enthousiasme.
J’avais déjà noté Dora Bruder à cause/grâce à Galéa, je note aussi celui-ci.
Grâce, sans aucun doute ! Je sais que pour la majorité des lecteurs, Dora Bruder est le n°1. Je l’ai beaucoup aimé également, mais rien à voir avec l’effet produit par Rue des Boutiques Obscures, qui m’a carrément emportée, et que j’ai eu tout de suite envie de relire à la dernière page, ce que je n’ai pas fait, mais je ne voulais pas que ce livre se termine 😉
ah il me fait plaisir ce billet !! j’espère que ton enthousiasme sera contagieux 🙂
J’adore quand un livre me surprend à ce point, m’emballe, me perd et me réjouis.
La première fois que j’ai lu ce livre, j’ai adoré et j’ai lu plusieurs autres Modiano ensuite. C’est un de mes auteurs préférés. Quand je l’ai relu quelques années plus tard, je ne l’ai pas autant apprécié. Je ne sais pas pourquoi. Ton billet me dit qu’il faut que je le lise une troisième fois.
Ma découverte est toute récente de Modiano, je suis un peu dans ta situation, j’ai envie d’en lire d’autres. M’attendent d’ailleurs Les boulevards de ceinture, Dimanches d’août et un Pedigree. Mais je relirai celui là plus tard, j’en suis certaine.
Décidément les billets sur Modiano fleurissent ! J’ai vraiment envie de découvrir cet auteur que je n’ai encore jamais eu l’occasion de lire.
C’est pour lui fêter un bon anniversaire, tous ces billets qui fleurissent au final, ça fait un joli bouquet 😉
Lu, chroniqué et grandement apprécié ! La chute m’avait scotchée ( d’autant plus qu’il n’est pas facile de sortir par le haut de ce genre de récit d’ errance …)
Tout le livre m’a scotchée !
Si pour toi aussi c’est ton préféré, je ne peux que retenir ce titre !
Ce livre est vraiment génial ! Bon, c’est mon préféré entre peu de choix quand même, j’en ai lu moins que d’autres des Modiano 😉
Cet auteur reste encore à découvrir pour moi. Tu viens de finir de me convaincre !
J’en suis ravie, car ça vaut vraiment la peine !
Je l’avais lu à sa sortie mais.. je n’avais pas aimé! Peut-être pourrais-je l’apprécier maintenant que j’en ai lu d’autres.
Je comprends très bien qu’on puisse ne pas aimer la particularité de ce roman, il est comme même perturbant. Mais c’est tout à fait le genre d’ambiance dans laquelle je me sens très bien 🙂
Une fois qu’on connait l’histoire, je pense qu’une relecture donne vraiment une autre vision du livre, car les personnages sont posés, donc nécessairement, les doutes ne sont plus les mêmes.
Lu il y a une éternité mais les sensations perdurent…
En fait, en le fermant, je me suis dit que j’allais certainement le relire ce livre !
Merci pour ce bel enthousiasme, d’autant plus que je n’ai pas lu ce titre. Et merci de ta participation à cette lecture commune, elle me fait bien plaisir.
Tout le plaisir est pour moi ! Depuis le temps qu’il m’attendait dans un coin ce titre, c’est grâce à toi que j’ai pu prendre cette superbe claque 🙂