Quelle belle surprise que Quand j’étais vivant ! Ils sont quatre, Harrison, Pearl, Juma et N’Dilo ; ils voient défiler en images les points forts, mais aussi les coups durs de leur vie, se rappellent leur passé, leurs disputes et leurs connivences, malgré toutes leurs différences. D’une grande et douce force.
Ca commence avec l’histoire de deux enfants de la brousse dans les années 1950, Harrison et N’Dilo. Harrison a perdu sa mère quand il avait deux ans. Depuis, son père se désintéresse de tout, à part d’aller chasser et tuer dans la brousse avec ses clients blancs. Il se désintéressera aussi du viol de la mère de N’Dilo par l’un d’eux. Elle est noire, le client est blanc. De quoi se plaint-elle ; elle devrait être bien contente d’avoir un emploi.
La vie en Afrique et dans les réserves, avec tous ses paradoxes, le pouvoir de l’homme blanc qui se croit supérieur face à la pauvreté et le manque d’éducation de l’homme noir, est le cadre de ce roman. D’un côté, dans les réserves, la vie des animaux est privilégiée, de l’autre, le commerce de l’ivoire, le braconnage et le massacre des éléphants, la mutilation des enfants albinos, un moyen de vivre et une horrible réalité.
Ce livre, ce n’est pas seulement la violence, c’est aussi la beauté et l’immensité des paysages, avec le sable qui s’infiltre, la chaleur qui étouffe, la découverte de contrées inconnues, peuplées d’arbres immenses et d’animaux sauvages. Toute cette ambiance terreuse et affreusement chaude enveloppe ce roman d’une agréable torpeur, de la magie et violence inquiétante du lointain, de l’Afrique, de ses croyances inquiétantes, irréelles, mais bien existantes.
Ce qui est encore plus fort peut-être, ce sont les personnages, qui sont tous extrêmement attachants, très bien dépeints, chacun avec leurs faiblesses et leur forte détermination pour vivre dans cette nature et cette contrée hostiles. Car l’hostilité n’existe pas uniquement contre les éléphants et les rhinocéros, elle existe aussi contre les hommes.
Je reprends ici en partie l’avis de Carole Finkel, (en intégralité dans les commentaires de l’émission de Bibliomaniacs de janvier 2015) : je ne saurais mieux dire et il reflète exactement mes pensées :
♡ ♡ ♡ ♡ « je l’ai retrouvée évoquée avec tant de justesse, tant d’émotions, sans manichéisme : les images, les odeurs, les sons de la brousse, les anecdotes tendres et cruelles, au fil des destins entrecroisés que les protagonistes revisitent avec surprise et désespoir.
Un vibrant plaidoyer sous une vraie intrigue aussi pour un constat bien pessimiste et un style qui nous emporte loin d’ici.
Les premières lignes : Harrison, j’ai peur. Présentation par les éditions Albin Michel : Ils sont quatre. Quatre à avoir vécu sur la même réserve africaine, à l’avoir vue se transformer d’éden touristique en lieu de massacre. Quatre à découvrir que ni l’amour ni l’amitié n’empêchent la violence et la trahison. Quatre à être liés pour l’éternité. |
Estelle NOLLET
Quand j’étais vivant
Janvier 2015, Albin Michel, 280 pages
Un trés grand livre dans la lignée de ses deux précédents ouvrages.
Une écriture dynamique, « cinématographique », une composition originale.
Une véritable réflexion sur l’Afrique, avec ses lumières et ses ombres, sans manichéisme mais avec toutes ses contradictions.
Après la lecture sans arrêt, car on ne peut pas quitter ce livre, il reste encore profondément en soi des images inoubliables, une matière forte à réfléchir et espérons à agir.
A faire lire dans les écoles car c’est une mine de débats, d’échanges sur la vie, l’écologie au quotidien, l’Afrique et surtout sur la responsabilité de chacun face à la situation du monde animal, de l’Afrique aujourd’hui .
Je l’ai lu sans m’arrêter en effet, et je suis très curieuse de découvrir ses autres livres. J’avoue que j’ignorais son existence avec cette belle découverte.
Il me tente beaucoup, en plus il rentrerait dans la challenge petit bac, parfait !
C’est toujours mon chouchou de la rentrée pour l’instant 🙂
J’aime beaucoup ton billet qui dévoile vraiment tous les aspects de cette lecture! 🙂 Comme tu l’as déjà lu ça a aussi été un vrai coup de cœur pour moi 😉
J’adore partager les coups de coeur 😀
Bien obligée de le noter, maintenant. 😉
J’espère qu’il te plaira aussi.
Ça a l’air intéressant 🙂
Et l’écriture est si belle !
quel enthousiasme ! je note !
Oui, oui, ça vaut vraiment la peine !
Et puis la trame discontinue du roman m’a bluffée tant elle parvient à constituer un scénario si bien huilé qu’on y adhère complètement en se laissant porter par le voyage et la cause défendue jusqu’au dénouement dont on se demande dès le début quel il pourrait être.
Du coup je viens de le relire pour mieux profiter de chacun de ces épisodes de vie !
Daniel vient de finir de me convaincre : je ne fais pas le relire, mais en lire un autre d’elle très vite.
Trouvé tout dernièrement, et du coup, je me réjouis de l’attaquer. Je garde un bon souvenir de son précédent roman, « Le bon, la brute, etc. ».
J’en parlais dans la presse…: http://www.lecourrier.ch/qui_est_le_bon_qui_est_la_brute
Merci pour le lien, déjà que j’avais envie de découvrir le reste de son œuvre, maintenant, je crois que je vais me dépêcher. Merci pour le lien, je suis ravie cet enthousiasme.