Avec Pristina, Toine Heijmans se renouvelle entièrement, s’éloigne du huis clos familial de son premier roman, En mer, pour entrer dans la catégorie du roman socio-politique sur le thème de l’immigration.
Albert Drilling est la caricature du fonctionnaire zélé à l’esprit étriqué. Avec son taux de réussite de 100%, il est désormais l’envoyé spécial et unique de la Taskforce Rapatriement, qui a pour but d’éradiquer tous les étrangers des Pays-Bas, mais avec délicatesse.
Or, sur une petite île des Pays-Bas qui avait dû accueillir pendant trois ans un camp de réfugiés aujourd’hui démantelé, il semblerait qu’une personne soit encore présente. Son but est de la dénicher, et de lui proposer argent et moyens pour qu’elle soit « volontairement » déportée dans son pays d’origine. Quand il rencontrera Irin Past, sa mission deviendra plus compliquée que prévue.
Albert Drilling est un personnage très caricatural, mélange de pseudo agent secret en costume gris sorti directement du bureau, ou directement d’une bande dessinée à l’humour satyrique et acerbe. Il n’en demeure pas moins que Pristina traite d’un sujet sérieux et très actuel, en plein dans l’actualité contemporaine. L’axe caricatural permet à Toine Heijmans d’insister très précisément sur la question de la place des migrants dans notre société, de leur rejet ou acceptation, de leur adaptation, de leur difficulté à vivre et à trouver leur place.
Si le thème est intéressant, tout comme la façon de traiter cette question sur un ton faussement léger pour en accentuer toute la profondeur, il est malheureusement assez difficile d’entrer dans cette histoire et de s’attacher aux personnages. Le style n’est pas désagréable, loin de là, mais la fluidité de lecture qui existait avec En mer, n’est pas aussi présente, l’absence de suspens ne permet pas de compenser une narration pas toujours très prenante, les personnages ne sont pas fouillés en profondeur – ce n’est pas l’idée du roman – et les relations entre eux ont du mal à se faire une place.
Il existe cependant un passage au contraire très réussi concernant l’homme qui invente des faux noms et papiers, pour permettre aux étrangers de se fondre dans la masse et se faire oublier. Cette petite histoire dans l’histoire retient particulièrement l’attention, mais pour le reste, la distance mise entre la situation décrite et les caractéristiques des personnages est trop grande, et l’éloignement qui en résulte entraîne le détachement. Quand l’intérêt s’émousse et que la lecture devient trop poussive, le roman devient une déception.
Pour une première lecture de Toine Heijmans, son premier roman En mer, qui a été distingué par le prix Médicis étranger en 2013, est une bien meilleure approche de l’auteur.
Les premières lignes de Pristina :
Tout le monde sait qui est l’homme qui descend du bateau, et ce qu’il vient faire sur l’île. Un homme en costume, un homme seul – on ne voit pas ça souvent et surtout pas en cette saison, alors que les baigneurs sont rentrés chez eux et que le bateau ne transporte plus que des îliens et des pensionnés, parfois des ouvriers du bâtiment ou une poignée d’ornithologues chiffonnés.
La 4e de couverture de Pristina des éditions Christian Bourgois :
Fonctionnaire du gouvernement néerlandais, Albert Drilling est chargé de s’assurer que les demandeurs d’asile retournent dans leur pays d’origine lorsque toutes les procédures légales d’accueil ont été épuisées. Ceci avec le minimum de désagréments pour son ministre de tutelle. Ayant jusqu’alors conduit toutes ses missions avec succès, il est envoyé sur une île au large de la côte nord de la Hollande, à la recherche d’une jeune femme demeurée illégalement sur le territoire.
Ne disposant que de son nom – Irin Past – comme indice, Albert Drilling mène une enquête plus ardue que les précédentes, qui l’entraînera bien au-delà des frontières insulaires…
« Ce qui fait de Pristina un grand roman tient au fait que Toine Heijmans déploie une écriture de grande qualité pour s’emparer d’une question sociopolitique de premier ordre. » de Volkskrant
Toine HEIJMANS
Pristina
Traduit du néerlandais pas Danielle Losman
Christian Bourgois, janvier 2016, 384 pages.
…j’avais trouvé qu’ En Mer n’avait eu qu’un accueil modeste ici dans la blogo, quel dommage :-/
Oui, c’est vrai, car ce premier roman était quand même sacrément bien réussi.
Je passe…
On ne peut pas dire que j’insiste en effet pour un arrêt …
Et bé c’est sûr je ne le lirai pas!
Eh bé, je te comprends 😉
Dommage, le sujet ‘intéressait…
C’est vrai que le sujet est intéressant.
Comme Kathel, je l’avais noté, intéressée par l’auteur et le sujet, sans me décider… voici un avis clairement expliqué ^^
Je voulais tellement adorer ce deuxième roman …
Je ne connaissais pas En mer, que tu recommandes nettement plus, donc…
J’ai été enchantée par En mer, qui est encore très présent dans mon esprit, et qu’en effet, que je recommande beaucoup plus.
Or Zut, En mer m’a marquée ( et pas qu’un peu).
Moi de même, c’est pour cela je pense aussi que j’ai été déçue par celui-ci, mon attente était très élevée.
J’aurais dû commencer par « En mer » si je comprends bien. Celui-là m’attend en tout cas.
Tu peux toujours commencer par « En mer » 😉
Pas lu « En mer » mais celui-là m’attend.
Je suis curieuse de ton avis, car je ne serais pas étonné que ce livre te convienne mieux qu’à moi.
J’attendais des avis, parce que je craignais un peu que ce soit moins prenant que En mer que j’avais vraiment adoré… je passe donc…
Totalement différent et bien moins prenant en effet.
ça me fait penser que « En Mer » est dans ma PAL depuis 2 ans!!
Je te recommande de le ressortir plutôt que d’attaquer directement Pristina.