Pour la peau est probablement l’histoire de LA passion amoureuse des années 2010, la plus juste et la plus contemporaine, d’une grande beauté littéraire, sans cliché, bien au contraire, avec beaucoup de réalisme, mais énormément de pudeur également.
Elle, la narratrice, c’est Emma. Elle rencontre E., un homme plus âgé, qu’elle trouvera d’abord quelconque, rien de particulier, comme indiqué sur la 4e de couverture, il est laid, il a le teint gris, il fume. Rien ne se passe. Mais petit à petit, il va l’envoûter, avec tous ses défauts d’homme blessé par la vie, abîmé par une précédente histoire d’amour, qui ne fait rien pour la séduire, qui lui montre même des signes évidents de rejet. La rencontre n’est pas celle d’un coup de foudre, et pourtant.
Ce qui est particulièrement réussi dans ce livre, c’est ce côté non édulcoré de la relation humaine. Franchement au départ, rien n’est beau, c’est une rencontre purement sexuelle, on est même très loin de l’histoire d’amour. Il n’a pas vraiment envie de la voir. Elle, elle se laisse porter.
Et puis s’instaure l’obsession, la passion, pas celle des beaux romans anglais du XIXe ou des films à l’eau de rose. Ici, c’est la passion un peu brutale, sans mot doux, sans gentillesse particulière, animale. La tendresse viendra, un peu plus tard, la fusion.
Le lecteur plonge en plein dans cette relation et découvre de façon brute, sans fard, de façon très réelle, cette histoire – qui a l’air très autobiographique – comment une rencontre peut consumer, détruire, envahir. En même temps, cette pureté dans la réalité de la relation est quelque chose de très beau, de très fort, qui dissèque l’histoire d’amour dans toutes ses phases, pas seulement les bonnes, les mauvaises aussi, les moins bonnes en tout cas, de façon assez objective, et c’est cette objectivité, cette réalité qui en fait toute la beauté, toute la cruauté aussi et met à jour son côté particulièrement destructeur.
L’écriture passe toute seule, le style au plus proche du lecteur sert très bien le propos de la connexion, du lien entre elle, Emma, et l’autre. C’est un livre profondément marquant. Emmanuelle Richard indique avoir écrit ce texte autobiographique dans un état d’« urgence et de nécessité absolue », et c’est probablement la raison pour laquelle le lecteur va ressentir la sincérité, la réalité des sentiments bruts, bien loin d’un portrait idéalisé de l’amour, mais tellement vrai, tellement juste.
Une vraie réussite, qui donne envie de découvrir son premier roman sur l’adolescence.
Les avis de Clara et Noukette.
Prix Anaïs-Nin 2016
Le petit truc à savoir :
Après les premières lignes (en forme de paragraphe), une phrase, sur une page blanche : « La première fois que je vois E. je le trouve quelconque sinon laid. Il a le teint gris et il fume, ce sont les seules choses que je remarque ». Il s’agit d’une référence à l’incipit du roman Aurélien, d’Aragon (« La première fois qu’Aurélien vit Bérénice, il la trouva franchement laide« ).
Les premières lignes :
Le premier grain du rosaire est une image. Index et pouce capturant mon poignet droit – une seconde. Un anneau sur ma peau, une menotte. Ensuite, il y en aura plein d’autres, précieuses, fugaces, chacune m’étant devenue cicatrice et toutes sur un temps très court ramassées, whisky, rhum, Séresta, codéine, une sieste sur une plage avec un homme inconnu dans mes bras qui s’endort, whisky encore, beaucoup de whisky, une voiture noire garée sur le parking désert du magasin La Grande Récré où je travaille, des mojitos et quelques gins-tonics parfois pour moi, un hôtel, une bribe de chanson, Despite the evidence, we dance, des kilomètres avalés coté passager à la place d’une autre, la voix de cette autre contenue dans un fichier mp3 frêle et gracieuse et qui chante to the end of the night. Mais ça, je ne le sais pas encore.
La présentation des éditions de l’Olivier :
« La première fois que je vois E. je le trouve quelconque sinon laid. Il a le teint gris et il fume, ce sont les seules choses que je remarque. »
E. est adossé à la porte verte de son agence lorsqu’Emma l’aperçoit.
Il doit lui faire visiter un studio.
Cette scène, Emma ne cesse d’y revenir. Emportés par un amour auquel ils ne s’attendaient pas, ils se sont aimés, puis séparés.
Pour la peau raconte l’histoire de cette passion : violente, totale, obsédante.
Emmanuelle RICHARD
Pour la peau
Ed. de l’Olivier, Janvier 2016, 224 p.
Une lecture marquante oui, j’en garde un souvenir très précis !
Oui, c’est un livre marquant, je ne suis pas étonnée qu’il t’en reste des souvenirs précis.
Merci pour ton billet car nous sommes en fin de compte peu nombreuses à l’avoir vraiment aimé.
Ce qui est dommage tout de même …
C’est peut-être justement trop proche pour que je l’apprécie vraiment, un jour peut-être 🙂
Oui, je comprends, si c’est trop proche, ce n’est peut être pas à lire maintenant …
oh une belle histoire d’amour? Moi je note!
Attention, ce n’est pas la « belle » histoire d’amour avec le prince charmant …
Ça donne très envie merci ! je le rajoute dans mes envies !
C’est très contemporain, je pense que ça va te plaire, également d’un point de vue « écriture ».
Malgré ton éloge, je ne suis pas sûre d’être très attirée par le sujet…
Tant pis, une autre fois 😉
<3 <3
Des bises ma Comète 🙂
je l’ai aimé aussi. On m’a soufflé sur un festival que ce roman était très proche de l’expérience de l’auteure.
Merci Valérie, tu confirmes mon impression. C’est tellement fort que je ne suis pas du tout étonnée que cette histoire soit celle d’Emmanuelle Richard.
J’aimerais bien le lire un jour. Je l’ai déjà repéré sur d’autres blogs et tu en parles si bien.
J’ai vraiment été envoûtée par ce livre et par la sincérité qui s’en dégage.