Son nom ne vous dit rien ? Vous la connaissez, car vous n’avez certainement pas oublié Rosa Candida, le roman qui fit connaître Auður Ava Ólafsdóttir. On retrouve dans Ör la même grâce romanesque et la même humanité.
Jonas Ebeneser, à l’aube de la cinquantaine, fait un bilan de sa vie qui n’est guère folichon. Divorcé, seul et sans vie sexuelle depuis plusieurs années, une fille qu’il ne voit plus guère et une mère fantasque qui vieillit et oublie. Un boulot dont il n’a plus envie.
Ne sachant plus quoi faire de sa peau, le tatouage semble une option, le suicide aussi, de grands écrivains, chanteurs et artistes ont fait ce choix, il décide de partir dans un pays dévasté par la guerre.
Un ton teinté d’humour toujours en toile de fond, le propos ne se veut jamais ouvertement drôle (ce n’est pas une comédie dans laquelle vous allez éclater de rire), il est plutôt légèrement mélancolique. Oui, on sourit presque avec un constat dépité de tant de solitude et de tristesse.
Derrière une apparente légèreté, Auður Ava Ólafsdóttir va tisser des rapports humains inattendus, mettre notre héros face à ses responsabilités, lui donner, sans qu’il s’en rende compte au départ, une raison de vivre. Parti en « voyage » avec sa boite à outils, il va se mettre à réparer des petits détails de la vie des autres, à défaut de réussir à réparer la sienne.
Ör n’a aucun lien avec la richesse ou un trésor, ça signifie « cicatrice(s) ». Jonas Ebenezer en comporte plusieurs. Il est loin d’être le seul. Blessures de l’âme et du corps, pays dévasté, maisons et magasins détruits, les cicatrices sont partout, elles tentent toutes, de manière différente, de se refermer et de s’effacer peu à peu.
Auður Ava Ólafsdóttir nous offre une parenthèse reposante, avec un personnage masculin tout à fait crédible et très touchant. Les métaphores ne sont pas grossières, elles sonnent justes. Ce roman qui possède un joli côté aérien et agréablement décalé, est bien plus profond qu’il n’y parait. Il s’en dégage de la bienveillance, de la douleur aussi, beaucoup de solitude et de beauté.
Les premières lignes :
Je sais bien que j’ai l’air ridicule, tout nu, mais je me déshabille quand même. J’enlève d’abord mon pantalon et mes chaussettes, puis je déboutonne ma chemise, laissant apparaître un nymphéa d’un blanc éclatant sur ma chair rose, sur le côté gauche de la cage thoracique, à une demi-lame de couteau du muscle qui pompe huit mille litres de sang par jour, je termine par mon caleçon.
La présentation (internet) des éditions Zulma :
Se décrivant lui-même comme un « homme de quarante-neuf ans, divorcé, hétérosexuel, sans envergure, qui n’a pas tenu dans ses bras de corps féminin nu – en tout cas pas délibérément – depuis huit ans et cinq mois », Jónas Ebeneser n’a qu’une passion : restaurer, retaper, réparer. Mais le bricoleur est en crise et la crise est profonde. Et guère de réconfort à attendre des trois Guðrún de sa vie – son ex-femme, sa fille, spécialiste de l’écosystème des océans, un joli accident de jeunesse, et sa propre mère, ancienne prof de maths à l’esprit égaré, collectionneuse des données chiffrées de toutes les guerres du monde… Doit-il se faire tatouer une aile de rapace sur la poitrine ou carrément emprunter le fusil de chasse de son voisin pour en finir à la date de son choix ? Autant se mettre en route pour un voyage sans retour à destination d’un pays abîmé par la guerre, avec sa caisse à outils pour tout bagage et sa perceuse en bandoulière.
Ör est le roman poétique et profond, drôle, délicat, d’un homme qui s’en va, en quête de réparation.
Auður Ava Ólafsdóttir
Ör
Traduit de l’islandais par Catherine Eyjólfsson
Zuma, octobre 2017, 240 pages.
VO : 2017, Ör
Wahou ! je n’ai pas lu cette auteur que j’aime beaucoup depuis quelques années, mais là tu m’as convaincue d’y retourner !
Tant mieux si j’ai réussi à te convaincre, et comme tu connais et aimes déjà l’auteure, aucune raison que tu sois déçue.
J’ai tout aimé ce que j’ai lu d’elle. Je compte donc lire celui-ci.. un jour !
Il est vraiment très chouette ce roman, et le personnage masculin est très bien fichu.
Je retiens j’ai bien aimé Rosa Candida et L’embellie, et puis rien que pour le plaisir de lire un livre de cette maison d’édition.
Et voir ces superbes couleurs dans les mains, ça joue aussi !
Celui-ci je compte bien le lire, j’ai lu tous les autres de l’auteure.
Je vais peut-être lire certains anciens, je n’ai pas lu son précédent.
j’ai bien aimé ce que j’ai lu à présent de cette auteure, mais je n’ai pas encore pris le temps de découvrir ces deux derniers!
J’ai été attirée (outre la couverture des éditions Zulma que j’adore) par le titre que je trouve superbe
Cela pourrait me plaire, tiens.
C’est vraiment une belle lecture, un rien onirique d’ailleurs.
Je partage ton goût pour l’atmosphère que sait installer cette auteure !
Oui, très bien réussi ici !