Le coeur du problème, c’est ce cadavre, la découverte de Simon lorsqu’il rentre chez lui. Le corps d’un homme qu’il ne connait pas, se trouve là, posé, dans son salon. De manière étrange, et avec un calme presque parfait, il se dit que sa femme, Claire, doit être dans leur chambre. Sa logique est simple : l’homme n’ayant pas les clés, elle seule peut l’avoir fait entrer.
Le début étrange de ce roman est à l’image de tout le livre. Claire n’est pas dans la chambre, mais elle prend stoïquement un bain, mutique, avant de faire sa valise et de partir. Le calme avec lequel les événements se déroulent, à l’inverse de tout ce que le lecteur pourrait imaginer, déroute et le plonge dans une bizarre ambiance cynique et noire.
Le malaise va s’accentuer, notamment lorsque Henri, le gendarme à la retraite, va subitement agir comme un ami, en proposant de faire un tennis, de visiter son jardin, en s’insinuant dans sa vie avec une gentillesse trop appuyée. Rien ne colle avec des relations humaines normales, tous les faits et gestes sont empreints de bizarrerie et d’illogisme. Chaque phrase créé une subtile balance entre le « socialement correct » et le hors-norme, l’inhabituel.
Cette impression d’inhabituel et d’a-normal est renforcée par une narration à la première personne du singulier, par des « je » permanents, par des phrases courtes et simples, par un flot ininterrompu de pensées, de mots, de phrases, pas toujours délimitées par une ponctuation précise. L’idée de folie n’est jamais loin.
J’ai trouvé ce livre très bien réussi, et je ne comprends pas le silence qui l’entoure. Pour les adeptes de la concision, de la brièveté qui tranche et qui fait mouche, pour ceux qui aiment l’originalité du style et de l’intrigue, les ambiances noires des polars – car il s’agit vraiment d’une ambiance policière, avec le cadavre, le gendarme, l’homme et la femme – ce livre est pour vous.
Il est difficile de ne pas faire le lien avec les livres d’Yves Ravey, publiés aux éditions de Minuit (comme l’est – ou l’était – d’ailleurs Christian Oster pour une quinzaine de ces romans). On retrouve cette plume acérée, la concision dans le style, une tension latente, une économie dans les descriptions et psychologie des personnages, et un déroulé implacable de faits et de pensées qui vont droit, (semble-t-il du moins) dans le mur.
Les premières lignes :
Pour dire les choses vite, quand je suis rentré chez moi ce soir de juillet, il y avait un homme mort dans le salon. Pour les dire plus précisément, l’homme était allongé sur le ventre, à l’aplomb de la mezzanine où nous avions notre chambre, Diane et moi, et dont j’ai vu que la balustrade avait cédé.
La 4e de couverture des éditions de L’Olivier :
En rentrant chez lui, Simon découvre un homme mort au milieu du salon. Diane, sa femme, qui, selon toute vraisemblance, a poussé l’homme par-dessus la balustrade, lui annonce qu’elle s’en va.
Elle ne donnera plus de nouvelles. Simon, resté seul avec le corps, va devoir prendre les décisions qui s’imposent. C’est lors de sa visite à la gendarmerie que Simon rencontre Henri, un gendarme à la retraite amateur de tennis. Une relation amicale se noue. Mais Simon est sur la réserve ; chaque mot, chaque geste risque d’être sévèrement interprété. S’engage alors entre les deux hommes une surprenante partie d’échecs.
Christian OSTER
Le coeur du problème
Ed. de l’Olivier, août 2015, 192 pages
Je lisais Oster de façon obsessionnelle à la fin du lycée ! Ca me fait plaisir de retomber sur un article sur un nouveau livre :).. et ça me donne envie d’y retourner
Tu me diras lequel tu as préféré, j’ai très envie d’en lire un autre !
Je lisais beaucoup Oster à une période et je me suis lassée de son style. Même si comme tu le dis, sa simplicité fait mouche !
Contrairement à toi, mes souvenirs sont tellement anciens, qu’ils sont devenus quasiment inexistants. Je vais en lire d’autres très vite.
J’avais tellement été déçue par un précédent roman que je n’ai pas retenu celui-ci. C’est peut-être un tort
C’est très particulier, et je comprends qu’on n’adhère pas du tout à ce roman. Mais si tu aimes Yves Ravey (désolée, je ne me souviens pas de ton goût sur cet auteur), tu vas aimer celui là.
et dire que je pensais plus faire d’achat livres avant la fin de l’année:)
Ca ne fait pas de mal de se faire des cadeaux
Que ce soit L’olivier ou Minuit, il y a toujours d’excellents auteurs.
Je suis bien d’accord, ce sont deux très bonnes maisons d’éditions.
heureusement que tu en parles, il était passé inaperçu pour moi jusqu’alors!
J’ai le sentiment que ce livre passe globalement inaperçu, et je trouve que c’est vraiment dommage.