- Rentrée Littéraire 2014 –
Goat Mountain est un pur livre « Nature Writting », mais d’une couleur noire, très, très noire, à la manière glauque et dérangée des livres de David Vann.
1978. Nord de la Californie. David est un jeune garçon de 11 ans, qui part avec son père, son grand-père et Tom l’ami de la famille, camper et chasser le cerf.
C’est le moment du passage à l’âge adulte et tuer son premier cerf correspond à un rite familial dans cette famille de chasseurs.
Mais arrivés dans la forêt, ils s’aperçoivent qu’un braconneur les a précédés. Inquiets, ils visent tous avec leur arme, mais exalté par cette sortie, seul David tire … et tue. Son premier cadavre sera donc celui d’un homme, non celui d’un cerf.
A partir de ce moment, les réactions entre les hommes diffèrent, les tensions augmentent, les incompréhensions se font sentir. Comment réagir ? Avouer, cacher le corps, se soutenir les uns les autres. L’un est père, l’autre n’est qu’un ami. Rien n’est simple dans cet univers boueux et taiseux, dans ce milieu masculin austère et terrien, où l’homme va se battre contre la nature, contre les autres et surtout contre lui-même.
Dans un univers où la nature est un personnage à elle-seule, et les descriptions de la forêt, du sol, des feuilles et des bruits dominent, les quatre hommes vont continuer de faire ce qu’ils avaient prévu de faire : chasser le cerf, chacun avec un regard en coin, chacun avec une arme à la main, la menace planant au dessus de chaque ligne.
Comme dans Dernier jour sur terre, David Vann – issu d’une famille de chasseurs et maniant les armes dès 11 onze ans – utilise sa propre expérience pour raconter cette histoire, ce qui la rend encore plus cinglante et dérangeante. On en arrive même à se demander si ce n’est pas de lui dont il est en train de parler ….
On retrouve ici ses thèmes de prédilections, comme dans Sukkwan Island, Désolations ou Impurs, des relations familiales étranges et sèches, où l’amour semble exclu ou très éloigné des schémas classiques, où la folie humaine guette et survole l’ensemble de l’histoire, les références bibliques ne faisant qu’accentuer l’impression d’horreur et de malaise.
Si les descriptions de la nature sont parfois une peu longues, l’ambiance pourrie et délétère reste très bien rendue et emporte le lecteur dans une forêt et une chasse au cerf qui le dégoute de la nature humaine.
Cette fois-ci, David Vann est allé trop loin pour moi, et j’ai eu envie d’arriver vite à la fin, pour sortir de cette ambiance et crainte latente, souffler, respirer et quitter cet environnement glauque et malsain.
Il a voulu déranger et a donc parfaitement réussi son objectif. The Washington Post parle d’allégorie, mais je suis passée à côté de ce côté allégorique.
Pour cette rentrée littéraire, je recommande donc plutôt (et de beaucoup) son récit, Dernier jour sur terre (toujours chez Gallmeister), que j’ai beaucoup aimé.
=> L’avis (négatif) de Coralie
Les premières lignes de Goat Mountain :
La poussière comme une poudre recouvrant l’air, faisant du jour une apparition rougeâtre. L’odeur de cette poussière et l’odeur de pin, l’odeur du sumac vénéneux. Le pick-up, une créature segmentée, sa tête tournant à l’opposé de son corps. Un virage serré et je faillis dégringoler par-dessus bord.
La présentation de l’éditeur Gallmeister :
Automne 1978, nord de la Californie. C’est l’ouverture de la chasse sur les deux cent cinquante hectares du ranch de Goat Mountain où un garçon de onze ans, son père, son grand-père et un ami de la famille se retrouvent comme chaque année pour chasser. À leur arrivée, les quatre hommes aperçoivent au loin un braconnier qu’ils observent à travers la lunette de leur fusil. Le père invite son fils à tenir l’arme et à venir regarder. Et l’irréparable se produit. De cet instant figé découle l’éternité : les instincts primitifs se mesurent aux conséquences à vie, les croyances universelles se heurtent aux résonances des tragédies. Et le parcours initiatique du jeune garçon, abandonné à ses instincts sauvages, se poursuivra pendant plusieurs jours, entre chasse au gibier et chasse à l’homme.
David VANN, Goat Mountain
Traduit de l’anglais (américain) par Laura Derajinski
Parution : Septembre 2014 – Gallmeister
Original : 2013, Goat Mountain
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(Dernière mise à jour : 07/09/2014)
Comment quelqu’un qui écrit des trucs aussi glauques peut-être être aussi drôle et en parler avec tant d’humour et de détachement ? D’autant plus que ça semble en effet le concerner de près…
Alors là Sandrine, tu poses la bonne question ! Il est si concerné, et semble en même temps si détaché, que David Vann m’intrigue de plus en plus ! Il parait qu’il change de style dans le prochain roman … A voir !
J’hésite car à brasser les mêmes thèmes, je crains qu’il ne se renouvelle pas beaucoup…
Il réussit quand même à prendre un angle différent, mais tu as raison, il reste dans le même genre, et à trop vouloir en faire, je trouve qu’il est passé un peu à côté ce coup ci.
Toujours pas lu cet auteur. Mais ce n’est pas avec celui-là que je le découvrirai.
Jérome, si tu veux le découvrir, commence avec Sukkwand Island !
Malgré tout, je pense que je le lirai.
Curieuse de lire ton avis. En tout cas, une chose est sûre, c’est que tu retrouveras la Vann Ambiance.
Très bel article
J’espère qu’il va pouvoir se rattraper avec son 2nd livre de la rentrée alors !
Merci Marjorie ! Oui, oui, il se rattrape
Mince, j’avais très envie de le lire car j’aime beaucoup cet auteur. Tu me fais douter…
Ca reste dans le même style que d’habitude, n’hésite pas à essayer. Je te l’envoie si tu veux
C’est super intéressant parce que je n’ai pas non plus aimé, mais pas pour les mêmes raisons ! Je vas donc écrire un article !
Ah oui, je viens de voir ça et rajoute ton lien ; je ne savais pas que tu n’avais pas aimé du tout !