Au début des années 1990, Patrick Modiano s’est pris d’intérêt pour l’histoire de Dora Bruder, cette jeune fille juive inconnue de quinze ans, qui a fait une fugue au mois de décembre 1941, et dont Modiano s’est obstiné à vouloir retrouver la trace.
La simple lecture d’un vieux journal et Patrick Modiano va enquêter pour remonter le fils de l’histoire de Dora, consulter des archives, visiter des rues, des bâtiments, des maisons, feuilleter des pages de registres, essayer de retrouver des mentions écrites, des souvenirs vivants, quelques mots dans une lettre, quelques instants sur une photo.
C’est avec une réelle curiosité que je me suis passionnée pour l’enquête de Patrick Modiano, pour son obstination à vouloir retrouver les sœurs de l’école de Picpus qui ont connu Dora, pour son entêtement à vouloir compulser des écrits, à rechercher son passage dans les camps, à Drancy ou ailleurs, à reconstituer son chemin familial.
Ce récit est bien plus celui de l’acharnement d’un écrivain, que celui de la vie de Dora dont on ne connaîtra au final pas grand chose, quelques bribes, mais qui existe tellement à travers l’enquête de Modiano, à travers ses mots et ses absences, qu’on a l’impression de la connaître intimement, alors qu’elle nous échappe totalement, personnage du passé, du souvenirs, de l’Histoire.
♡♡ J’ai vraiment aimé ce mélange littéraire et ce parallélisme entre la quête personnelle et identitaire de l’auteur et celle de son personnage réel de fiction. Lorsque l’auteur se dévoile, donne ainsi de lui-même, en exposant sa recherche et son travail d’écriture simplement et de manière très évocatrice, il en ressort un récit d’une grande force. J’ai retrouvé ce genre hybride, bien que de manière différente, dans La Fête de l’ours de Soler, ou dans Le Royaume de Carrère. Patrick Modiano est passionnant lorsque son histoire personnelle transparait, lorsqu’il nous rapproche de lui, comme il l’a fait récemment dans Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier.
L’impact du Prix Nobel de Littérature 2014 se fait sentir ; Dora Bruder donnera bientôt son nom à un espace public du XVIIIe arrondissement à Paris, rue ou jardin, on ne sait encore. C’est dire si elle a marqué les esprits.
La première phrase :
Il y a huit ans, dans un vieux journal, Paris-Soir, qui datait du 31 décembre 1941, je suis tombé à la page trois sur une rubrique : « D’hier à aujourd’hui« .
La présentation, 4e de couverture, par les éditions Folio :
(ou lien site Gallimard)
«J’ignorerai toujours à quoi elle passait ses journées, où elle se cachait, en compagnie de qui elle se trouvait pendant les mois d’hiver de sa première fugue et au cours des quelques semaines de printemps où elle s’est échappée à nouveau. C’est là son secret. Un pauvre et précieux secret que les bourreaux, les ordonnances, les autorités dites d’occupation, le Dépôt, les casernes, les camps, l’Histoire, le temps – tout ce qui vous souille et vous détruit – n’auront pas pu lui voler.»
Patrick MODIANO
Dora Bruder
Avril 1997, Gallimard, 160 pages
Avril 1999, Folio, 150 pages
Rien que l’incipit me fait quelque chose quand je le relis. C’était mon premier Modiano et j’en garde un souvenir très ému, même si clairement, ce n’est pourtant pas mon préféré. Mais je te rejoins sur la grande force d’un récit qui parle (encore et toujours) de l’identité de chacun.
Galéa, ma prochaine lecture de Modiano, c’est ton préféré, il est déjà dans ma pile des livres que je vais lire prochainement 😉
Ah, j’en étais très curieuse, je l’avais dans les mains le week-end dernier, je l’ai plus que feuilleté et puis j’ai voulu être raisonnable ! D’accord, je retourne le chercher 😀
Quelle belle occasion d’aller faire un tour dans une librairie 😉
C’est drôle, on a presque publié un billet sur ce roman le même jour! Moi aussi je l’ai beaucoup aimé. C’était mon premier Modiano.
Je vais aller voir ça tout de suite !
j’ai beaucoup aimé ce roman de Modiano, dans mon Top 5 ! et ravie que la Ville de Paris ait pris cette belle décision :o)
j’aimerais bien que l’idée se développe de nommer des noms de rue, avec des personnages de romans 🙂
Bonsoir Micmelo, pour le moment, c’est le seul Modiano que j’ai lu et je l’ai beaucoup apprécié. Et oui, une rue du 18ème arrondissement à Paris va bientôt porter son nom. Ca été confirmé pendant les voeux du maire auxquels j’ai assisté. Bonne soirée.
Merci Dasola pour l’information, je ne suis pas à jour du tout je vois 🙂 Une rue du XVIIIe, très bien ça !
mon favori 🙂
Eva, une adolescente dans l’histoire, ça ne pouvait pas être autrement 😉
Mon Modiano préféré, celui qui m’a le plus touché.
C’est le chouchou de beaucoup de lecteurs à ce que je vois 😀
Je n’ai encore jamais lu Modiano, je crois que si je doiscommencer ce sera avec celui-ci.
Ce n’est que mon 3e tiphanie, et ma découverte est très récente : j’espère que tu aimeras autant que moi.