Prix Goncourt 2013, Au revoir là-haut raconte avec originalité le chemin de deux gueules cassées de la guerre 14-18, qui vont se soutenir, ne plus se quitter, et décider de monter une escroquerie sur le dos des morts héroïques de cette première guerre mondiale.
Dès le début, on se rend compte que ce livre ne va pas faire dans la dentelle. Le lieutenant Pradelle n’est pas le héros espéré et le monde militaire en prend directement un coup. Il n’hésite pas – bien volontairement – à laisser mourir l’un de ses soldats dans un trou boueux. Allez, une grenade économisée ! Vous voyez le ton.
C’est comme ça qu’Albert aidera Edouard – à qui la moitié de la mâchoire inférieure a été arrachée – à sortir de l’hôpital, se procurer de la morphine, et survivre loin du monde militaire et de la liesse populaire liée à la paix. Ils retrouveront quand même ce salaud de Pradelle sur leur chemin.
Ce livre est plaisant à lire, c’est une lecture détente agréable du fait de l’originalité de son sujet et de son style littéraire facile, avec de nombreux dialogues. Même si la mise en place est un peu longue, et que l’histoire de l’escroquerie ne commence qu’après la moitié du livre, cette vision de la paix retrouvée, vue du côté de deux anciens soldats qui ne sont pas considérés comme des héros, mais comme des êtres abîmés un peu gênants, est bien trouvée. Dans la période d’après-guerre, la douleur des familles est immense et les morts sont plus intéressants que les vivants.
D’autres histoires parallèles se greffent dans un ton mêlant le sérieux, le comique et l’ironie. On ne sait pas toujours s’il faut rire ou se lamenter. Le lecteur va d’ailleurs souvent rire jaune. Pierre Lemaitre est sacrément audacieux et réussit à tisser sa toile narrative avec légèreté et humour autour de la gravité du sujet de la mort des soldats de 14-18.
Même si je n’ai pas trouvé les personnages particulièrement attachants, ni le style littéraire époustouflant (comme c’était le cas par exemple pour le Goncourt 2014, Pas pleurer, de Lydie Salvayre), j’ai malgré tout passé un bon moment.
Prix Goncourt 2013
Prix du roman France Télévision 2013
Prix Libraires Nancy-Le Point 2013
Prix littéraire de la ville de Brignolles 2013
Les premières lignes :
(ou lire un extrait plus long)
Ceux qui pensaient que cette guerre finirait bientôt étaient tous morts depuis longtemps. De la guerre, justement. Aussi, en octobre, Albert reçut-il avec pas mal de scepticisme les rumeurs annonçant un armistice.
La 4e de couverture des éditions Albin Michel :
(ou lien direct site Albin Michel)
« Pour le commerce, la guerre présente beaucoup d’avantages, même après. »
Sur les ruines du plus grand carnage du XXe siècle, deux rescapés des tranchées, passablement abîmés, prennent leur revanche en réalisant une escroquerie aussi spectaculaire qu’amorale. Des sentiers de la gloire à la subversion de la patrie victorieuse, ils vont découvrir que la France ne plaisante pas avec ses morts…
Fresque d’une rare cruauté, remarquable par son architecture et sa puissance d’évocation, Au revoir là-haut est le grand roman de l’après-guerre de 14, de l’illusion de l’armistice, de l’État qui glorifie ses disparus et se débarrasse de vivants trop encombrants, de l’abomination érigée en vertu.
Dans l’atmosphère crépusculaire des lendemains qui déchantent, peuplée de misérables pantins et de lâches reçus en héros, Pierre Lemaitre compose la grande tragédie de cette génération perdue avec un talent et une maîtrise impressionnants.
Pierre LEMAITRE
Au revoir là-haut
Albin Michel, août 2013, 576 pages
Livre de poche, avril 2015, 624 pages
Ce livre était le premier Goncourt que j’ai lu (je viens d’attaquer Pas pleurer), et je dois dire que j’ai vraiment beaucoup aimé ce livre. Autant le style de l’écriture que sa construction. Une vraie bonne lecture!
Alors, cela vaut peut-être la peine d’essayer aussi les policiers de Pierre Lemaître (je recommande Alex), car ce sera le même style d’écriture et une construction policière bien menée.
Pas encore lu et pourtant je l’ai dans ma PAL! Par contre j’ai énormément aimé le livre de Lydie Salvayre y compris le style savoureux, vigoureux, plein d’humour, à l’emporte-pièces, un style à la Montaigne « et que le gascon (l’espagnol) y arrive quand le français n’y peut aller »… qui paraît être à sauts et à gambades mais qui finalement est très travaillé.
Toujours partante pour Mrs Dalloway? Si oui, serait-ce possible pour le 14 septembre étant donné que je pars le 15 en Russie.
Je suis contente que tu aies aimé aussi Pas pleurer, plusieurs lecteurs n’ont pas du tout accroché au style de Salvayre que j’avais trouvé savoureux. Il faut que je lise Montaigne alors !!
Bien sûr pour Mrs Dalloway, noté pour le 14 septembre 🙂
C’est d’accord!
🙂
J’ai beaucoup apprécié ce livre, notamment car le talent de Lemaitre en thriller se ressent dans la construction de son intrigue. Quant au style, il est peut-être simple, mais l’ensemble reste très intéressant… Et pour une fois, le Goncourt ne m’est pas apparu comme un prix élitiste : celui-ci, tout le monde peut le lire !
L’intrigue est habilement mené, mais contrairement à toi, je n’ai pas ressenti l’effet thriller de ce livre. Ce qui ne m’a pas empêchée de le lire avec intérêt, même si j’ai tendance à préférer les livres un peu plus écrit 🙂
Je suis plus enthousiaste que toi sur ce roman qui m’a vraiment beaucoup plu. J’attends la suite !
Il y a une suite ?
J’ai une amie qui l’a lu et qui m’a dit récemment la chose suivante : « quand je l’ai refermé, je l’ai bien aimé mais sans plus. Et puis, l’histoire s’est infiltrée en moi, durablement. Pour moi, ce livre est essentiel. Il est essentiel de le lire ».
Comme ma copine est du genre à pas s’enthousiasmer pour un rien, je pense que je lirai prochainement ce bouquin.
Ton amie ne lirait-elle pas dans mes pensées ? 😉
Je tiens également à le lire, maintenant qu’il est sorti en poche, je n’ai plus d’excuses !
Je suis étonnée, je vois que nous sommes plusieurs à ne pas l’avoir lu ce fameux Goncourt. Comme tu dis, plus aucune excuse 😉
Je n’ai pas boudé mon plaisir (et je lis rarement les Goncourt)
Tu as été bien plus maligne que moi !
J’adore Lemaitre en écrivain de polars, celui-là, il m’attend, depuis sa sortie… Je ne sais pas ce qui me retient !
Le sujet ne me branchait pas beaucoup, c’est pour ça que je ne m’étais pas précipitée. Même si ce n’est pas un coup de cœur, ça vaut vraiment la peine de le lire quand même, il est marquant.
C’est vrai que le style n’est pas remarquable, mais il a un don pour la construction, la mise en place des situations, à la manière un peu des feuilletonistes du XIXème siècle.
Je trouve ta comparaison avec les feuilletonistes très justes, je n’y avais pas pensé, mais tu as complètement raison !
Maintenant qu’il est en poche, je vais pouvoir me lancer…
C’est ce que j’aime bien aussi avec les sorties poche, c’est qu’on lit des livres qu’on avait laissé passer lors de leur première sortie, et ça c’est quand même bien 🙂
C’est effectivement un roman avec lequel on passe un bon moment !
Et pourtant, le sujet sur le papier n’est pas glamour …
Je dois le lire aussi j’ai hésité à lire ton avis mais bon je me lance, je ne pensais pas que j’allais rire jaune ! à voir donc 😉
Oui, tu verras, ce livre a beaucoup d’humour, mais parfois, ça grince 😉
Parfois, j’ai l’impression d’oublier aussi vite que je lis mais ce livre-là, je ne l’ai pas oublié : il me marquera durablement. Et je trouve que Lemaitre a un certain style, notamment qu’il manie très bien l’ironie.
Oui, tu as raison, c’est vraiment la réussite de ce roman, il réussit à manier l’ironie avec un sujet aussi sérieux, et je pense que ce ne devait pas être évident de conserver la bonne distance et le bon équilibre.